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En attendant les Barbares, d’Olivier Tallec paru chez Pastel/ école des loisirs
– « Un immense brouhaha agite la ville ce matin.
On dit que les barbares arrivent aujourd’hui.
Qui ?
Les affreux Barbares. »
Ces quatre lignes, placées en haut à droite de la double page, au-dessus des fumées de cheminée d’une ville industrielle, brune et grise, ouvrent le nouvel album d’Olivier Tallec, En attendant les Barbares. A l’avant plan, un petit personnage militaire hurle dans un mégaphone, debout sur le mur d’enceinte, tandis que monte le petit matin rose, beige, vert pâle. La seconde double page laisse la rumeur de l’arrivée des Barbares avant la fin de la journée se propager, de bouche de chien à oreille de soldat, jusqu’au petit personnage, visiblement angoissé. Au fond, des montagnes se dessinent d’un geste rapide, au pinceau large très peu chargé de vert. La suite n’est que conjectures sur l’endroit par lequel ils viendront : certains disent par la forêt, d’autres par la montagne, d’autres encore par la rivière. Si le doute persiste, ce qui est certain c’est qu’il faut ressortir les canons. Parce qu’ils vont arriver, malgré leur retard. C’est qu’ils ne sont pas comme nous les Barbares : pas ponctuels, pas prévisibles : fourbes ! Toujours rien après la pluie... Voilà qu’il commence à s’inquiéter notre petit militaire aux médailles astiquées. Et s’ils ne venaient pas ? Pire, s’ils n’existaient pas ? Quel désespoir ! Il faudrait qu’il range ses bottes, ses drapeaux, ses canons. Qu’il se pose cette vertigineuse question : « Mais qu’allons-nous faire sans les Barbares ? »
L’album d’Olivier Tallec est librement inspiré du poème éponyme, rédigé autour des années 1900-1904 par l’immense poète grec, Constantin Cavafy. Il s’empare du thème de la construction d’une menace étrangère justifiant une politique sécuritaire et militaire. Prenant cette politique très au sérieux tout en la ridiculisant, Olivier Tallec utilise ses outils habituels : un personnage très expressif qui incarne pleinement le thème, une narration qui détaille comment agit le personnage, ce qu’il pense et ce qu’il ressent, une volonté de mettre en scène les contradictions et l’absurde, jusqu’au comique, et enfin un salut, un espoir, qui adoucit notre regard sur la condition humaine. Avec En attendant les Barbares, Olivier Tallec amène aux enfants la puissance subtile du poème de Cavafy, partage sa réflexion sur notre époque et poursuit la maitrise de son univers graphique aussi beau, imparfait et irrévérencieux que celui de Tomi Ungerer.